La Communauté orthodoxe roumaine de Strasbourg
– Fondation de la paroisse « Saint-Jean le Précurseur » en 1984 –
Les témoignages les plus anciens attestant un groupe organisé de ressortissants roumains à Strasbourg datent de la période entre-deux-guerres. Ils concernent la cinquantaine d’étudiants – notamment théologiens – venus après 1919 parfaire leur formation doctorale à l’Université de Strasbourg, occupant un immeuble dans le quartier de l’Orangerie et se relayant au fur et à mesure que leur séjour d’études se terminait. De retour dans le pays natal, nous les retrouvons dans des postes de responsabilité au sein de l’Eglise ou dans l’enseignement universitaire. Ce processus a été interrompu brutalement en 1939 lors de l’éclatement de la Deuxième guerre mondiale et sa reprise empêchée ensuite par le régime communiste installé en Roumanie.
Profitant d’un relâchement temporaire survenu dans la politique extérieure de la Roumanie après 1975, l’Eglise orthodoxe roumaine a sans tarder repris les relations universitaires avec les Facultés de théologie de Strasbourg. Grâce à des bourses octroyées par le Gouvernement français, plusieurs étudiants roumains sont ainsi venus à partir de 1978 – 1980 et y ont poursuivi des études approfondies et des séjours de recherche doctorale (l’un des premiers a été l’actuel Patriarche Daniel). Il y avait, parmi eux, des théologiens déjà ordonnés prêtres. Ce fut tout naturellement vers eux que les Roumains installés depuis plus ou moins longtemps en Alsace se sont dirigés pour les premières célébrations orthodoxes publiques. Les deux cimetières militaires roumains datant de la Première guerre mondiale, celui de Soultzmatt et celui de Haguenau (en fait, un carré dans le cimetière Saint-Georges), qui représentaient de hauts lieux de mémoire et de fierté pour ces ressortissants, faisaient l’objet d’une dévotion particulière. Quelques dizaines de personnes s’y rendaient occasionnellement, accompagnés de ces prêtres, pour se recueillir et chanter des litanies traditionnelles sur les tombes des soldats.
A Strasbourg, ils concélébraient tantôt dans la chapelle grecque, tantôt chez les Russes hors-frontières, les seules communautés orthodoxes organisées à l’époque. Lors d’une visite en Alsace, l’Archevêque roumain Adrian Hritcu de Paris et l’étudiant-diacre Casian Crăciun (actuellement, archevêque de Galati) ont fondé une association cultuelle en février 1984. Mais encore fallait-il trouver un lieu de culte et un prêtre permanent (le diacre ne peut pas célébrer de façon indépendante dans l’Eglise orthodoxe). Le signataire de ces lignes arriva en novembre 1984, après le retour au pays de Casian Crăciun. Peu de temps après, la communauté fut accueillie dans la petite chapelle Saint Jean de Hoenheim, où elle resta jusqu’en 2005.
Nous pouvons parler de trois étapes bien distinctes dans la vie de la paroisse roumaine de Strasbourg :
1. Le temps de la consolidation (1984 – 1990). Pendant toutes ces années d’émergence, la vie intérieure de la communauté a été profondément marquée par la situation politique de la Roumanie communiste. Craignant d’être infiltrés par des agents envoyés de Bucarest, les ressortissants roumains manifestaient, comme partout en Occident, une grande méfiance les uns envers les autres. Les célébrations réunissaient, malgré tout, entre 30 – 70 personnes, qui ont appris à se connaître et à se soutenir réciproquement.
2. L’euphorie de la liberté et le risque de déstabilisation (1990 – 2000). La chute du régime communiste roumain a été accompagnée et suivie à Strasbourg d’un grand élan de solidarité avec les frères du pays. Cependant, quelques conséquences imprévues ne tardèrent pas à menacer l’équilibre fragile de la communauté. Ce fut, tout d’abord, l’arrivée massive de Roumains qui, profitant de l’ouverture des frontières et du vide juridique des premiers mois de l’année 1990, ont émigré sans contrôle et sans précautions. L’exiguïté de la chapelle de Hoenheim et le manque de structures d’accueil ont représenté de véritables défis à relever. Ensuite, à partir notamment de 1995, nous avons assisté à une seconde vague d’arrivants, composée, cette fois-ci, d’étudiants et de personnes venues travailler en général sur la base de contrats à durée déterminée.
3. De la dérive vers la stabilité. A partir de 2000, en raison du nombre grandissant de fidèles, la paroisse s’est vue dans l’impossibilité de continuer les célébrations dans la petite chapelle de Hoenheim. Deux perspectives étaient envisagées simultanément : construire une église ou trouver un local approprié pour l’aménager en chapelle. Suivirent quelques années de « traversée du désert », pendant lesquelles les célébrations eurent lieu tantôt dans des salles de fortune, tantôt dans la chapelle ou dans le foyer Sainte-Madeleine (quartier de la Krutenau). Ce fut, finalement, grâce à l’hospitalité des Sœurs de Marie Réparatrice et à l’intervention de l’Archevêché catholique de Strasbourg que prit fin cette période d’instabilité. En effet, depuis décembre 2006, la Communauté roumaine a été accueillie dans la chapelle située au 14, rue Sainte-Elisabeth, à proximité de l’Hôpital Civil, qu’elle a aménagée et dotée de tout l’inventaire orthodoxe nécessaire. L’oratoire et l’iconostase de la paroisse ont été consacrés par Sa Béatitude le Patriarche Daniel, entouré du Métropolite Joseph et d’autres hiérarques, lors d’une visite à Strasbourg en avril 2011.
Une fois le problème du lieu de culte résolu, la paroisse a commencé à fonctionner normalement, avec des célébrations hebdomadaires, en roumain et en français. Outre son activité cultuelle, elle organise chaque année deux pèlerinages aux Cimetières militaires roumains de la région, s’occupe des personnes fragiles, assure une présence régulière dans le milieu carcéral, offre accueil aux étudiants roumains et autres et met en place des actions humanitaires ponctuelles lorsque la situation l’exige. La communauté dispose d’une chorale mixte composée essentiellement d’étudiants (plusieurs concerts publics par an) et organise des conférences, expositions et autres activités culturelles spécifiques. Depuis 2007, elle a ouvert aussi une école de catéchèse et de roumain pour les enfants de la paroisse.
Canoniquement, la paroisse relève de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale, dont le siège se trouve à Limours (92), dans la région parisienne. Le Métropolite Joseph Pop, membre du Saint-Synode de l’Eglise orthodoxe roumaine fait en même temps partie de l’Assemblée des Evêques Orthodoxes de France.